No 9 (2013): Professionnalisation et nouvelles formes de professionnalités des formateurs d'adultes
Professionnalisation et nouvelles formes de professionnalités des formateurs d'adultes

INTRODUCTION : ENTRE REFORME DE LA FORMATION ET EVOLUTION DES PROFESSIONNALITES, OU EN EST LA PROFESSIONNALISATION DES FORMATEURS D’ADULTES ?

Nathalie LAVIELLE-GUTNIK, maître de conférences, Université de Lorraine Nancy, membre du Laboratoire Interuniversitaire en Sciences de l’Education et de la Communication (Lisec-EA 2310)
Catherine NEGRONI, maître de conférences, Université Lille 3, membre du Centre Lillois d’Etudes et de Recherches Sociologiques et Economiques (Clersé), membre associée du Centre Interdisciplinaire de Recherche en Education de Lille (Cirel-EA 4354)
Maryvonne SOREL, maître de conférences honoraire, Université Paris Descartes membre du Centre de Recherche de la Formation, Cnam (CRF-EA 1014)

En 1971, Fritsch (p. 15) introduit "son examen de la situation de la formation des adultes dans la société française contemporaine" en signalant le caractère vague et imprécis de l’expression "formation des adultes" : pour lui, malgré le cadre législatif qui en contraint la mise en œuvre, la formation continue des adultes continue d’être une fonction diffuse dont l’organisation tant dans l’entreprise que hors entreprise n’est pas facilement accessible : variété des organisations privées ou publiques, variété des besoins, variété des publics… au point que pour l’auteur "même en s’en tenant aux formes organisées de la formation des adultes, la diversité des caractéristiques institutionnelles et le mélange des genres semblent rendre vain tout essai de constitution d’une typologie". Il en est de même pour les personnes impliquées dans la mise en œuvre, qu’il s’agisse des formateurs ou des concepteurs, des responsables administratifs ou des commerciaux…: activités peu visibles ; postes mal repérés -pas de statut défini, différences de salaire, impressionnisme des modalités d’accès puisque aucune obligation de licence (Hughes, 1996) pour exercer, des formateurs occasionnels plus nombreux que les permanents. Les facteurs explicatifs de cette situation sont aussi nombreux que les points de vue susceptibles d’être adoptés pour l’étudier : il est remarqué que si la formation des adultes n’a pas attendu le texte de 1971 pour exister, le caractère contraignant de son organisation est récent, à l’origine d’un redéploiement des problématiques, des intentions et des formes ; il est remarqué également le souhait de ne pas procéder à la professionnalisation des acteurs de la formation qui doivent maintenir une proximité entre travail et formation, le mot d’ordre est donc d’éviter la création d’un corps d’enseignants, la formation ne devant pas être l’occasion d’une carrière. L’analyse des discours, des pratiques et des trajectoires de la population des formateurs observée par l’auteur conduit par ailleurs ce dernier à pointer la marginalité des formateurs d’adultes : mobilité sociale descendante justifiée par le souhait d’exercer une activité "hors des sentiers battus" ou mobilité ascendante, l’itinéraire témoigne d’une trajectoire scolaire atypique par rapport à l’origine sociale. A cela, s’ajoutent des positionnements axiologiques dissonants - entre conception stratégique et utilitariste, l’ambition est alors de "favoriser l’évolution des entreprises", "dynamiser l’économie", "préparer des hommes adaptables" et conception humaniste, la formation est alors pensée au service de la personne en vue de "permettre l’épanouissement personnel", "optimaliser les relations humaines", "favoriser l’autonomie", ceci empêchant le développement d’une culture et d’une socialisation professionnelle univoque.